Être malentendant aujourd'hui

Des étudiantes de 2e année de Sciences du langage découvrent ce qu’être malentendant signifie au quotidien
Société
Être malentendant aujourd'hui
Ces étudiantes ont orienté leurs études sur le domaine de la surdité, certaines d’entre elles apprenant la Langue des Signes Française avec une professeure sourde de naissance, avaient déjà une bonne connaissance de la culture Sourde. Le jeudi 2 mars 2017, elles ont pu rencontrer, dans le cadre de l’option «Surdité et Langue française Parlée Complétée» (enseignante : Marie-Agnès Cathiard), des personnes devenues sourdes, appareillées ou implantées, pour parler de leur malentendance et de la manière dont elles y font face.

Ces personnes ne pratiquent pas la Langue des signes car elles continuent de parler leur langue maternelle, soit le français. Les étudiantes ont pu échanger pendant deux heures avec neuf membres de l'ARDDS38 (Association de Réadaptation et défense des Devenus-Sourds ) qui ont témoigné de leurs expériences de vie et leur ont apporté des informations sur leurs appareillages, la pratique de la lecture labiale et les dispositifs pour mieux entendre dans les lieux publics (comme la position T des appareillages et la boucle magnétique, la transcription écrite, etc…). Deux étudiantes, Caroline Chaillard et Lucie Chasseur, nous parlent de cette rencontre.

Caroline nous livre ses réflexions

Découvrir la surdité : Ces personnes se sont présentées tour à tour, et nous avons été surprises de la variété de leur surdité ainsi que de leurs causes. Pour certaines d'entre elles, c'était dû à une maladie comme la rougeole ou l'otospongiose, ou encore à un environnement professionnel auditivement nocif. Pour d'autres, leur surdité était apparue brutalement. Certains éprouvaient plus de mal à en parler que d'autres, ce qui nous conforta dans l'idée que chaque personne possède un type de surdité et une façon de l'appréhender qui leur est propre.
Percevoir le monde autrement : La surdité suscite beaucoup de mépris chez les gens. Il s'agit pourtant d'un handicap comme un autre. Cependant, c'est un handicap invisible. Il faut alors comprendre que, malgré tout, devenir sourd n'est pas une fatalité. Les membres de l'ARDDS38 nous ont énormément appris à ce sujet : tous s'accordent à dire qu'ils ont appris à mieux se connaître. Cela permet d'avoir une intériorité plus riche. Cela apporte un autre type d'attention à l'autre et les autres portent plus attention à soi. Le monde n'est plus perçu de la même façon.

Rejoindre une association lorsqu'on est devenu sourd

La perte de l'audition rend l'isolement inévitable. Souvent, cet isolement peut être difficile à vivre et peut entraîner une dépression chez la personne. Le fait de rejoindre une association est un grand pas en avant dans l'acceptation de ce qui leur est arrivé. L'une des personnes nous a confié avoir longtemps hésité avant de rejoindre l'ARDDS38 car elle n'acceptait pas d'être devenue malentendante. Cependant, l'association ne ressemblait en rien à ce qu'elle avait pu s'imaginer. La rejoindre, c'était accepter de vivre avec sa surdité car pour accepter son handicap il faut rencontrer des personnes vivant une situation similaire. C'est en cela que l'association leur a beaucoup apporté.

Le rôle de l'ARDDS38 : accessibilité et sensibilisation

En plus de permettre de faire face à son handicap, l'association joue un grand rôle dans l'accès aux informations et aux soins. Nous avons compris que le principal danger chez une personne devenue sourde, c'est la non-connaissance de ce qui la touche. C'est pourquoi l'association permet d'obtenir des informations sur les différents types d'implants et d'appareils, et de discuter avec des personnes qui ont pris la décision de les porter. Elle aiguille ses membres vers des organismes spécialisés et leur permet même d'apprendre la lecture labiale.
De plus, l'association organise des journées de sensibilisation chez les jeunes. Les membres de l'association nous ont clairement expliqué que les générations futures feraient la fortune des audioprothésistes. C'est pourquoi nous, étudiantes spécialisées dans ce domaine, portons également la responsabilité de sensibiliser les jeunes à la nocivité de la musique trop forte dans les écouteurs, des boîtes de nuits à forts décibels et des concerts à répétition.

Lucie témoigne

« Cette rencontre fut pour moi très enrichissante. Même si j’ai redouté que nos questions puissent être blessantes, la générosité de nos interlocuteurs m’a tout de suite mise à l’aise. Nous avons pu leur poser tout un tas de questions sur les appareils et le fonctionnement de ceux-ci. Mais surtout nous avons pu connaître leurs différents chemins de vie. Chacune d’entre nous a été avertie, il FAUT prendre soin de nos oreilles ! Maintenant que j’ai pris conscience de la dureté d’une vie sans son, que ce soit au niveau social et médical, et également de la difficulté d‘adaptation à un appareil et du peu de moyens mis en place en France pour les personnes sourdes, je serai plus vigilante à l’avenir. Je souhaite aussi veiller, dans le futur, à ce que les six millions de sourds ou malentendants en France puissent avoir une vie plus aisée. Je remercie chaleureusement les membres de l’ARDDS pour l’amabilité et la prévenance dont ils ont fait preuve. Ce fut pour nous un très beau moment de partage.»

Marie-Agnès Cathiard, MCF-HDR en Sciences du langage

Mis à jour le  3 avril 2017