L'innovation dans le projet philosophique et politique des sociétés contemporaines politiques

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le  22 septembre 2017Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
Une conférence proposée dans le cadre de la spécialisation aux "Industries de la Langue", un séminaire transversal mené par Thierry Ménissier (Université Grenoble Alpes, équipe "Philosophie, Pratiques & Langages", EA 3699).
Lorsqu’on prononce le mot "innovation", on pense logiquement à l’invention technologique et à son adoption par les organisations et par les usagers. Or, il est très intéressant de porter attention au contexte dans lequel elle se déploie : c’est celui d’un monde en complète transformation, à laquelle participe d’ailleurs la technologie.

Ce monde est celui de la globalisation économique et de la nouvelle gouvernance planétaire, de l’émergence des villes-mondes et de la nécessité de défendre l’environnement, des crises permanentes du capitalisme et de sa capacité à renaître indéfiniment de ses cendres, de l’expansion mondiale du modèle des sociétés de haute technologie (même dans les pays en voie de développement ce modèle est devenu une sorte de référence), de la fin des idéologies politiques et de la persistance, voire du renouveau, des doctrines religieuses, enfin de l’émergence de formes très originales et presque invisibles de contrôle des individus et des populations.

Pour comprendre ce monde, il faut faire l’hypothèse que les concepts hérités qui ont donné à ce monde sa dynamique sont en partie périmés et conduits à se redéfinir en profondeur. Ces concepts sont ceux de la modernité, terme qui désigne une période historique (XVII-XVIIIèmes siècles), mais aussi et surtout un style de pensée et d’action (le modernisme, l’esprit moderne). Ces concepts étaient extrêmement importants pour donner du sens à l’activité humaine. On parle ici, notamment, de la haute valeur de science, de son indépendance vis-à-vis de l’idéologie, de la religion et des intérêts commerciaux, ou encore de la relation forte entre l’amélioration technique et le progrès social et moral. L’idée dominante de la modernité est que la connaissance perfectionne l’humain – Condorcet l’a exprimée de manière puissante, au point de constituer une sorte de credo pour les citoyens des démocraties modernes. Pouvons-nous aujourd’hui assumer de si grands espoirs ?

Le statut de la notion d’innovation apparaît donc tout à fait particulier : si, dans sa définition standard, elle ne concerne que la dynamique technologique saisie dans ses interactions avec le marché économique, elle gagne à être appréhendée sur un plan plus large et dans le contexte de la philosophie politique, tant elle porte des espoirs, suscite des résistances intéressantes et significatives, et finalement nous renvoie à nos propres ambiguïtés. A la fois nécessité vitale et injonction paradoxale pour les organisations, mythe ET réalité pour toute notre époque, elle mérite qu’on l’envisage avec le recul nécessaire.
Publié le  18 septembre 2017
Mis à jour le  18 septembre 2017